• Théodore Herzl disparu, ses héritiers transforment le sionisme en un véritable mouvement de masse. D’autant que depuis novembre 1917, la Déclaration Balfour entrouvre, pour la première fois, la possibilité de créer un foyer juif en Palestine. Et c’est en Terre Sainte, où la population juive grossit au diapason des différentes alyah (il y en aura cinq au total entre 1880 et 1939), que l’organisation sioniste mondiale facilitera l’installation des nouveaux immigrants. Elle se dotera d’institutions autonomes, réhabilitera l’hébreu et créera un Fonds national juif

     

    Pour gérer les terres acquises en Palestine. Le kibboutz, instrument par excellence de l’appropriation du territoire par les sionistes, servira à fédérer un large prolétariat. De cette organisation émergera un sionisme socialiste incarné par la Histadrout, une fédération syndicale ouvrière crée en 1920.  Sa tâche consistera principalement à encadrer les immigrants sur le plan de l’éducation, de la santé ou encore de la culture. En outre, la Histadrout est à l’origine de la création de la Haganah, première force de défense des juifs, créée également en 1920. De cette manière, la gauche juive de Palestine gagne en influence auprès de la population israélite, et crée un grand parti ouvrier, Mapaï, en 1930. Cet  ancêtre du parti travailliste israélien, fondé par Ben Gourion, dominera politiquement jusqu’en 1977. Il aura à se méfier surtout d’un ennemi bien interne, le sionisme extrémiste incarné par le mouvement révisionniste de Vladimir Jabotinsky. Celui-ci revendique la création immédiate d’un Etat juif. L’Irgoun, une organisation armée juive, est l’héritière, avec le groupe Stern, du mouvement « révisionniste ». Sous mandat britannique depuis 1922, la Palestine voit régulièrement s’affronter les forces de sa Majesté avec l’Irgoun et le groupe Stern. Après la publication du livre blanc de 1939, qui limite drastiquement l’immigration juive en territoire palestinien, l’action des sionistes extrémistes se focalisera essentiellement sur les forces militaires britanniques. Puis cette branche du sionisme se distinguera dans l’intimidation, souvent meurtrière des populations arabes de Palestine. A sa façon, le sionisme extrémiste joue un rôle à part entière dans l’espoir collectif juif de fonder un Etat.

     

    Par ailleurs, depuis la fin de la première Guerre mondiale (1918), l’Histoire agit directement dans la destinée du sionisme tel que rêvé par Herzl. La chute de l’empire Ottoman, la relève britannique En Palestine, l’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne (en 1933) et, enfin, la Shoah, bouleversent indéniablement la donne. A ce propos, Barnavi évoque la « fortune historique » du sionisme. Et c’est bien l’Histoire que donne rendez-vous David Ben Gourion le 14 mai 1948.

     

    Musée de Tel Aviv, 16h, le 14 mai 1948. David Ben Gourion lit solennellement la déclaration d’indépendance d’Israel. Pour le premier ministre d’Israël, il s’agit d’un juste retour des choses. « Les juifs ont lutté au cours des siècles pour revenir sur la terre de leur ancêtres et retrouver leur Etat », rappelle-t-il à l’assemblée qui l’écoute religieusement. Le génocide juif est encore très présent dans les mémoires, mais l’heure est à la « rédemption d’Israël ». À 18h14, le président américain Harry Truman reconnaît l’Etat d’Israël et offre au nouvel Etat sa première victoire diplomatique.

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  • Le temps d’un voyage sur le continent européen, Théodore Herzl se transforme, après le congrès de Bâle, en ambassadeur du sionisme. Le journaliste commence son périple par l’Allemagne, dirigé par Guillaume II. En dépit de deux rencontres en 1898, Herzl ne parvint pas à convaincre l’empereur allemand de l’intérêt que ce dernier aurait à appuyer la création d’un Etat pour les juifs en Palestine. Guillaume II lui objecte un argument hautement diplomatique : il ne souhaite pas entrer en conflit avec l’empire ottoman. La Palestine est, en effet, administrée par les turcs depuis XVIe siècle. C’est donc vers le sultan turc Abdul Hamid II que se tourne naturellement l’idéologie sioniste. Mais cette seconde rencontre avec un homme d’Etat n’aboutit pas non plus. Le sultan craint légitimement que l’immigration juive en Palestine ne provoque des tensions au sein des populations arabes, donc au sein de son empire. Tout aussi peu convaincu par Herzl, le pape Pie X sera même sévère à l’égard du leader du mouvement sioniste, à qui il dira, en 1904, que « la terre de Jérusalem a été sanctifiée par la vie du Christ. Les juifs n’ont pas reconnu notre seigneur ; nous nous pouvons pas reconnaître le peuple juif ».

    C’est finalement la Grande-Bretagne qui sera la plus réceptive aux doléances de Herzl. Lord Chamberlain, ministre du britannique des Colonies, proposera l’Ouganda, en Afrique, comme terre d’accueil provisoire des juifs. Le diplomate anglais est d’abord soucieux de trouver une solution à l’arrivée massive de juifs russes, depuis 1881, au Royaume-Uni. Sur l’étonnante proposition de diriger l’immigration juive vers l’Ouganda, Max Nordau, intellectuel hongrois qui fonda avec Herzl l’Organisation sioniste mondiale, admettra « qu’avant d’atteindre le but inaltérable de l’établissement juif en Palestine, il ne doit y avoir qu’une halte en chemin ».

    En définitive, du circuit diplomatique d’Herzl, aucun résultat concret n’en sortira. Au contraire épuisé par de nombreux voyages, le défenseur du sionisme s’épuisera et mourra d’une crise cardiaque le 3 juillet 1904, à 44 ans. Le flambeau du sionisme sera repris notamment par un certain David Ben Gourion. Si l’idée de créer un Etat pour les juifs n’a pas encore abouti, elle s’est grandement popularisée grâce aux voyages d’Herzl.


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