• Poème: AMIS, UN DERNIER MOT ! par Victor Hugo

    victorhugo5

     

    Toi, vertu, pleure si je meurs !

    ANDRÉ CHÉNIER.

     

    AMIS, UN DERNIER MOT !

     

    Amis, un dernier mot ! - et je ferme à jamais

    Ce livre, à ma pensée étranger désormais.

    Je n'écouterai pas ce qu'en dira la foule.

    Car, qu'importe à la source où son onde s'écoule ?

    Et que m'importe, à moi, sur l'avenir penché,

    Où va ce vent d'automne au souffle desséché

    Qui passe, en emportant sur son aile inquiète

    Et les feuilles de l'arbre et les vers du poète ?

     

    Oui, je suis jeune encore, et quoique sur mon front,

    Où tant de passions et d'œuvres germeront,

    Une ride de plus chaque jour soit tracée,

    Comme un sillon qu'y fait le soc de ma pensée,

    Dans le cours incertain du temps qui m'est donné,

     

    L'été n'a pas encor trente fois rayonné.

    Je suis fils de ce siècle ! Une erreur, chaque année,

    S'en va de mon esprit, d'elle-même étonnée,

    Et, détrompé de tout, mon culte n'est resté

    Qu'à vous, sainte patrie et sainte liberté !

    Je hais l'oppression d'une haine profonde.

    Aussi, lorsque j'entends, dans quelque coin du monde,

    Sous un ciel inclément, sous un roi meurtrier,

    Un peuple qu'on égorge appeler et crier;

    Quand, par les rois chrétiens aux bourreaux turcs livrée,

    La Grèce, notre mère, agonise éventrée;

    Quand l'Irlande saignante expire sur sa croix;

    Quand Teutonie aux fers se débat sous dix rois;

    Quand Lisbonne, jadis belle et toujours en fête,

    Pend au gibet, les pieds de Miguel sur sa tête;

    Lorsqu'Albani gouverne au pays de Caton;

    Que Naples mange et dort; lorsqu'avec son bâton,

    Sceptre honteux et lourd que la peur divinise,

    L'Autriche casse l'aile au lion de Venise;

    Quand Modène étranglé râle sous l'archiduc;

    Quand Dresde lutte et pleure nu lit d'un roi caduc;

    Quand Madrid se rendort d'un sommeil léthargique;

    Quand Vienne tient Milan; quand le lion Belgique,

    Courbé comme le bœuf qui creuse un vil sillon,

    N'a plus même de dents pour mordre son bâillon;

    Quand un Cosaque affreux, que la rage transporte,

    Viole Varsovie échevelée et morte,

    Et, souillant son linceul, chaste et sacré lambeau,

    Se vautre sur la vierge étendue au tombeau;

    Alors, oh ! je maudis, dans leur cour, dans leur antre,

    Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu'au ventre !

    Je sens que le poëte est leur juge ! je sens

    Que la muse indignée, avec ses poings puissants,

    Peut, comme au pilori, les lier sur leur trône

    Et leur faire un carcan de leur lâche couronne,

    Et renvoyer ces rois, qu'on aurait pu bénir,

    Marqués au front d'un vers que lira l'avenir !

    Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense !

    J'oublie alors l'amour, la famille, l'enfance,

    Et les molles chansons, et le loisir serein,

    Et j'ajoute à ma lyre une corde d'airain !

     

    Victor Hugo- Novembre 1831.

    « Biographie d’André CHÉNIERChanson-Joe Dassin - Mais la mer est toujours bleue-Clip. »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    8
    Samedi 18 Décembre 2010 à 09:06
    loran

    Bonjour douce Fathia

    je suis venu faire un petit tour dans ton jardin et j'en ai profité pour cliquer sur ta pub (2 mn) Bisou

    7
    Mardi 14 Septembre 2010 à 17:04
    laure76

    Encore un pti coucou

    il avait quand même l'art de se faire des portraits  un peu baroque

    ;-) je trouve ! jamais un ti sourire !

    lol MDR 

    biz

    6
    Mardi 14 Septembre 2010 à 13:37

    très beau poème, qui donne le froid dans le dos... et les rois ne peuvent ils pas être remplacé par président ou chancelier... toujours d'actualité.

    bonne journée

    bises

    5
    Dimanche 12 Septembre 2010 à 23:22
    Sourour

    passes une bonne soirée amitiés et bisous à mom

    image en taille réelle

    4
    Dimanche 12 Septembre 2010 à 17:51
    Viviane

    J'aime ce poème, il me donne des frissons ...
    Passe une bonne fin de dimanche

    Un bisou amical
    Viviane

    3
    Dimanche 12 Septembre 2010 à 11:26
    Dominique BAUMONT

    Du grand Victor Hugo ! Bisous. Dominique

    2
    Samedi 11 Septembre 2010 à 12:50
    Fils de Sourour

    un joli poème merci bonne fête image en taille réelle

     

    1
    Samedi 11 Septembre 2010 à 12:33
    clementine

    j'aime beaucoup la photo et le poème

    bonne journée

    clem

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :