• Poème

    Le poète de Lǐ exprime ses sentiments au sortir de l’ivresse

     

    Ami, croyez-moi, n’écartez point cette coupe !

    Le vent printanier arrive tout en souriant,

    Pêchers et pruniers, tels de vieilles connaissances,

    Inclinent leurs fleurs et les entrouvrent vers nous.

    Les gais loriots chantent dans les arbres verts ;

    La lune brillante observe nos coupes d’or,

    Nous étions jadis des jeunes gens au teint rose,

    Tandis qu’aujourd’hui, les cheveux blancs nous vieillissent.

    La ronce envahit le palais du roi de Tchao ;

    Les cerfs vont paissant la terrasse de Kou-Sou.

    Dans ces vieux palais des empereurs et des princes,

    Les portes à tour n’enferment plus que poussière !

    Pourquoi refuser de boire cette liqueur ?

    Où sont maintenant les hommes du temps passé ?

     

    Par  Lǐ


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  • Si...


     Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie

    Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,

    Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties

    Sans un geste et sans un soupir;

    Si tu peux être amant sans être fou d'amour,

    Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre

    Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,

    Pourtant lutter et te défendre ;

     

    Si tu peux supporter d'entendre tes paroles

    Travesties par des gueux pour exciter des sots,

    Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles

    Sans mentir toi-même d'un seul mot;

    Si tu peux rester digne en étant populaire,

    Si tu peux rester peuple en conseillant les rois

    Et si tu peux aimer tous tes amis en frère

    Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

     

    Si tu sais méditer, observer et connaître

    Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;

    Rêver, mais sans laisser le rêve être ton maître,

    Penser sans n'être qu'un penseur ;

    Si tu peux être dur sans jamais être en rage,

    Si tu peux être brave et jamais imprudent;

    Si tu sais être bon, si tu sais être sage

    Sans être moral ni pédant ;

     

    Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite

    Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,

    Si tu peux conserver ton courage et ta tête

    Quand tous les autres les perdront,

    Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire

    Seront à tout jamais tes esclaves soumis

    Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

    Tu seras un homme, mon fils.

     

    Rudyard Kipling


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