• Tableau de la Liberté de l'ariste marocain Ahmed Ben Yessef

    Le discours de la colombe

     (Perception de l’origine ou notes pour un jugement final)

     

    Dans le fond, ta beauté est une dénonciation, un défi. Tu es la colombe qui s’empare de la mémoire, des terrasses, des minarets, qui survole la médina et les siècles…Colombe qui, atteinte parfois d’un coup de pierre ou de mitraille, se réfugie dans les touches d’un tableau, dans les lignes d’une gravure, dans un poème.

     L’art t’apaise.

     

    La colombe apporte un message

    Son message est une colombe

     

    Colombes de Damas, du Caire, de Palestine ou de Tétouan qui quelquefois se réveillent à l’aurore flamboyante dans un patio ou un jardin de Séville, de Cordoue, de Grenade et s’y perdent dans la multitude. Quand elles rentrent vers leur orient, leurs ailes sont déjà lourdes de nostalgie, elles ne sont plus les mêmes.

     

    Al-Andalus est toujours la patrie spirituelle de ces créateurs qui symbolisent la paix et l’amour, ces créateurs qui dénoncent les injustices. Symboles et métaphores qui enrichissent et configurent notre perception de la réalité. Réalité qui, à son tour, hésite entre symboles et métaphores. Métaphores qui font de sorte que l’espace dans lequel on vit nous soit plus reconnaissable, plus habitable. Après la métaphore, le paysage n’est plus le même.

     

    Il a fallu qu’un beau jour la colombe crée Ben Yessef et le convertisse dans l’axe de son discours, dans le fil conducteur d’une espérance inébranlable. Dans l’œuvre de Ben Yessef, le hasard se déguise en destin et le destin se déguise en hasard, la transparence du langage nous séduit et l’horizon nous abandonne, la chimère est métamorphose et la beauté mutation.

     

    La colombe rayonne parfois par son absence, d’autres par son rôle apparemment secondaire, ou bien par son protagoniste, mais elle nous demande toujours (même depuis son absence) de participer à son désarroi, de nous submerger dans sa beauté.

     

    Quand nous rentrons vers notre orient nous sommes déjà ivres de nostalgie, nous ne sommes plus les mêmes et plus jamais ne le serons. Le langage nous transforme à mesure que nous avançons.

     

     Écrit par Tino Cruz


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  • Ce poème, écrit par Mahmoud Darwich en 1964, est devenu comme un refrain magique enflammant les coeurs et déchaînant les sentiments de fierté et d'enthousiasme des Palestiniens.

    Incarcéré à l’age de 22 ans pour poésie trop nationaliste, il rédige ce poème suite à l’interrogatoire d’identité à la prison de St Jean d'Acre.

     

    Ce célèbre poème, est devenu comme un refrain magique enflammant les cœurs et déchaînant les sentiments de fierté et d'enthousiasme des Palestiniens.

     

    Mahmoud DARWICH est souvent interpellé, lors de ses récitals, par un public qui le lui réclame et voit en lui plus un prophète qu'un poète tout simplement... Mais à chaque fois, il refuse, préférant lire ses nouveaux poèmes.

     

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    Je suis Arabe

    Le numéro de ma carte : cinquante mille

    Nombre d'enfants : huit

    Et le neuvième... arrivera après l'été !

    Et te voilà furieux !

     

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    Je suis Arabe

    Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

    Et j'ai huit bambins

    Leur galette de pain

    Les vêtements, leur cahier d'écolier

    Je les tire des rochers...

    Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte

    Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

    Et te voilà furieux !

     

    Inscris !

    Je suis Arabe

    Sans nom de famille - je suis mon prénom

    « Patient infiniment » dans un pays où tous

    Vivent sur les braises de la Colère

    Mes racines...

    Avant la naissance du temps elles prirent pied

    Avant l'effusion de la durée

    Avant le cyprès et l'olivier

    ...avant l'éclosion de l'herbe

    Mon père... est d'une famille de laboureurs

    N'a rien avec messieurs les notables

    Mon grand-père était paysan - être

    Sans valeur - ni ascendance.

    Ma maison, une hutte de gardien

    En troncs et en roseaux

    Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

    Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

     

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    Je suis Arabe

    Mes cheveux... couleur du charbon

    Mes yeux... couleur de café

    Signes particuliers :

    Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

    Et ma paume est dure comme une pierre

    ...elle écorche celui qui la serre

    La nourriture que je préfère c'est

    L'huile d'olive et le thym

     

    Mon adresse :

    Je suis d'un village isolé...

    Où les rues n'ont plus de noms

    Et tous les hommes... à la carrière comme au champ

    Aiment bien le communisme

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    Je suis Arabe

    Et te voilà furieux !

     

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    Que je suis Arabe

    Que tu as raflé les vignes de mes pères

    Et la terre que je cultivais

    Moi et mes enfants ensemble

    Tu nous as tout pris hormis

    Pour la survie de mes petits-fils

    Les rochers que voici

    Mais votre gouvernement va les saisir aussi

    ...à ce que l'on dit !

     

    DONC

     

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    En tête du premier feuillet

    Que je n'ai pas de haine pour les hommes

    Que je n'assaille personne mais que

    Si j'ai faim

    Je mange la chair de mon Usurpateur

    Gare ! Gare ! Gare

    À ma fureur


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