Madagascar est raccrochée en quelque sorte à l’Asie du Sud-Est et attachée apparemment à l’Afrique dont ne la sépare qu’un détroit de moins de 400 km, le Canal de Mozambique, alors que, vers l’Est et le Nort-Est, des milliers de milles marins s’étendent jusqu’aux « grandes terres » les plus proches. D’autre part son passé politique révèle que l’île a d’abord été un groupement de tribus ou de « royaumes » indépendants, puis une dépendance française donc européenne avant de devenir, en Octobre 1958, une république indépendante, à coup sûr, mais encore unie à la France par bien des liens économiques, sentimentaux et même politiques. Pourtant, en dépit de toutes ces apparences, Madagascar est plus asiatique qu’africaine ou européenne : tout, en vérité son sol, ses hommes et ses croyances traditionnelles, la raccorde à l’Asie du Sud-Est et, peut-être aussi, dans une certaine mesure, au monde océanien. La population malgache descend, pour la plus grande part, d’Indonésiens, Malais ou Océaniens arrivés par mer en profitant des vents favorables : migrations de longue durée puisqu’elles commencent, semble-t-il, vers le début de l’ère chrétienne pour ne se terminer que bien des siècles plus tard. Le riz, culture fondamentale des Malgaches, est asiatique, comme le sont aussi leurs dialectes, formes apparentées d’une même langue, leurs croyances traditionnelles quand elles ne sont pas masquées par le christianisme t leurs mythes les plus populaires ; tout cet héritage de langues, croyances, mythes, pratiques agricoles ou alimentaires fait partie du vieux fonds indonésien, qui reste tellement vivace en Indochine et dans les archipels.

Autres aspects de « la Grande Île »

Madagascar a eu au Moyen Age au XIXème siècle, des contacts avec l’extérieur : expéditions de pillage vers l’Afrique pour en ramer des esclaves noirs, les Makoa ; arrivée sur le sol malgache de navigateurs arabes sans que du reste les croyances musulmanes réussissent à s’établir. Cependant les faits principaux relèvent comme au Japon d’une sorte d’endémisme, l’évolution de la société se faisant souvent en vase clos. L’île reste divisée en plusieurs petits royaumes bien que les Sakalaves réussissent, au XVIIème siècle, à faire l’unité de tout l’Ouest ; les communautés villageoises continuent à se gouverner elles-mêmes ; le culte des morts et des ancêtres, apporté de l’Indonésie, prend des formes inconnues ailleurs : « Le Malgache et la mort, titre d’un drame liturgique, indéfiniment perpétué ; on pourrait presque parler de la nécromanie malgache » (S.Thierry).

Contrairement à ce qui se produit dans la plupart des territoires asiatiques ou africains, les débuts de la transformation de Madagascar, au XIXème siècle, précèdent largement ceux de la colonisation ; ils coïncident avec l’établissement dans le centre de l’île de la puissante royauté hova et avec l’influence considérable prise par les missionnaires protestants venus d’Angleterre : implantation du christianisme qui n’évince du reste pas les croyances anciennes ; développement de l’instruction ; introduction de l’alphabet européen ; premiers progrès économiques et sociaux. L’évolution de l’île s’accélère ensuite, après 1889, sous l’égide des Français. Effets normaux de la colonisation : dislocation des cadres anciens, territoriaux ou sociaux et mise en place de cadres nouveaux ; juxtaposition de deux société qui ne s’interpénètrent que lentement.

Complètement émancipée en 1958, la République malgache devient démocratique par sa constitution d’Avril 1959 et cherche à s’insérer dans les nouvelles structures, politiques et économiques, du monde. Elle ne le fait pas sans peine, desservie comme elle l’est par sa situation dans un hémisphère lointain et par faible population moins de 5 millions d’habitants pour une superficie de 587 040 km² un peu supérieure à celle de la France.