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    « La fantaisie est un perpétuel printemps. »

    Johann Friedrich von Schiller.

    Voilà le printemps !

    Les oiseaux se remettent à chanter, les arbres se couvrent de bourgeons, l'air devient plus doux... Serait-ce le printemps ?

     

    A la mi-carême

     

    I

    Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;

    Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.

    Cependant du plaisir la frileuse saison

    Sous ses grelots légers rit et voltige encore,

    Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,

    Le Printemps inquiet paraît à l’horizon.

     

    II

    Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;

    Bien que le laboureur le craigne justement,

    L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,

    La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.

    Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;

    C’est sa première larme et son premier sourire.

     

    III

    C’est dans le mois de mars que tente de s’ouvrir

    L’anémone sauvage aux corolles tremblantes.

    Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ;

    Et du fond des boudoirs les belles indolentes,

    Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,

    Sous les vieux marronniers commencent à venir.

     

    IV

    C’est alors que les bals, plus joyeux et plus rares,

    Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ;

    À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ;

    La valseuse se livre avec plus de langueur :

    Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares,

    La lassitude enivre, et l’amour vient au coeur.

     

    V

    S’il est vrai qu’ici-bas l’adieu de ce qu’on aime

    Soit un si doux chagrin qu’on en voudrait mourir,

    C’est dans le mois de mars, c’est à la mi-carême,

    Qu’au sortir d’un souper un enfant du plaisir

    Sur la valse et l’amour devrait faire un poème,

    Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.

     

    VI

    Mais qui saura chanter tes pas pleins d’harmonie,

    Et tes secrets divins, du vulgaire ignorés,

    Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés ?

    Ô Muse de la valse ! ô fleur de poésie !

    Où sont, de notre temps, les buveurs d’ambroisie

    Dignes de s’étourdir dans tes bras adorés ?

     

    VII

    Quand, sur le Cithéron, la Bacchanale antique

    Des filles de Cadmus dénouait les cheveux,

    On laissait la beauté danser devant les dieux ;

    Et si quelque profane, au son de la musique,

    S’élançait dans les choeurs, la prêtresse impudique

    De son thyrse de fer frappait l’audacieux.

     

    VIII

    Il n’en est pas ainsi dans nos fêtes grossières ;

    Les vierges aujourd’hui se montrent moins sévères,

    Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté.

    Nous ouvrons à qui veut nos quadrilles vulgaires ;

    Nous perdons le respect qu’on doit à la beauté,

    Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.

     

    IX

    Tant que régna chez nous le menuet gothique,

    D’observer la mesure on se souvint encor.

    Nos pères la gardaient aux jours de thermidor,

    Lorsqu’au bruit des canons dansait la République,

    Lorsque la Tallien, soulevant sa tunique,

    Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d’or.

     

    X

    Autres temps, autres moeurs ; le rythme et la cadence

    Ont suivi les hasards et la commune loi.

    Pendant que l’univers, ligué contre la France,

    S’épuisait de fatigue à lui donner un roi,

    La valse d’un coup d’aile a détrôné la danse.

    Si quelqu’un s’en est plaint, certes, ce n’est pas moi.

     

    XI

    Je voudrais seulement, puisqu’elle est notre hôtesse,

    Qu’on sût mieux honorer cette jeune déesse.

    Je voudrais qu’à sa voix on pût régler nos pas,

    Ne pas voir profaner une si douce ivresse,

    Froisser d’un si beau sein les contours délicats,

    Et le premier venu l’emporter dans ses bras.

     

    XII

    C’est notre barbarie et notre indifférence

    Qu’il nous faut accuser ; notre esprit inconstant

    Se prend de fantaisie et vit de changement ;

    Mais le désordre même a besoin d’élégance ;

    Et je voudrais du moins qu’une duchesse, en France,

    Sût valser aussi bien qu’un bouvier allemand.

     

    Alfred de Musset


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  • Autumn leaves Les Feuilles d'automne1

    II. À M. LOUIS B.


     Les feuilles d'automne

    Louis, quand vous irez, dans un de vos voyages,
    Voir Bordeaux, Pau, Bayonne et ses charmants rivages,
    Toulouse la romaine où dans des jours meilleurs
    J'ai cueilli tout enfant la poésie en fleurs,
    Passez par Blois. Et là, bien volontiers sans doute,
    Laissez dans le logis vos compagnons de route,
    Et tandis qu'ils joueront, riront ou dormiront,
    Vous, avec vos pensers qui haussent votre front,
    Montez à travers Blois cet escalier de rues
    Que n'inonde jamais la Loire au temps des crues;
    Laissez là le château, quoique sombre et puissant,
    Quoiqu'il ait à la face une tache de sang;
    Admirez, en passant, cette tour octogone
    Qui fait à ses huit pans hurler une gorgone;
    Mais passez. Et sorti de la ville, au midi,
    Cherchez un tertre vert, circulaire, arrondi,
    Que surmonte un grand arbre, un noyer, ce me semble,
    Comme au cimier d'un casque une plume qui tremble.
    Vous le reconnaîtrez, ami, car, tout rêvant,
    Vous l'aurez vu de loin sans doute en arrivant.


    Sur le tertre monté, que la plaine bleuâtre,
    Que la ville étagée en long amphithéâtre,
    Que l'église, ou la Loire, et ses voiles aux vents,
    Et ses mille archipels plus que ses flots mouvants,
    Et de Chambord là-bas au loin les cent tourelles
    Ne fassent pas voler votre pensée entre elles.
    Ne levez pas vos yeux si haut que l'horizon,
    Regardez à vos pieds..


    Louis, cette maison
    Qu'on voit, bâtie en pierre et d'ardoise couverte,
    Blanche et carrée, au bas de la colline verte,
    Et qui, fermée à peine aux regards étrangers,
    S'épanouit charmante entre ses deux vergers,
    C'est là.Regardez bien. C'est le toit de mon père.
    C'est ici qu'il s'en vint dormir après la guerre,
    Celui que tant de fois mes vers vous ont nommé,
    Que vous n'avez pas vu, qui vous aurait aimé!


    Alors, ô mon ami, plein d'une extase amère,
    Pensez pieusement, d'abord à votre mère,
    Et puis à votre soeur, et dites : " Notre ami
    Ne reverra jamais son vieux père endormi!


    " Hélas! il a perdu cette sainte défense
    Qui protège la vie encore après l'enfance,
    Ce pilote prudent, qui pour dompter le flot
    Prête une expérience au jeune matelot!
    Plus de père pour lui! plus rien qu'une mémoire!
    Plus d'auguste vieillesse à couronner de gloire!
    Plus de récits guerriers, plus de beaux cheveux blancs
    À faire caresser par les petits enfants!
    Hélas! il a perdu la moitié de sa vie,
    L'orgueil de faire voir à la foule ravie
    Son père, un vétéran, un général ancien!
    Ce foyer où l'on est plus à l'aise qu'au sien,
    Et le seuil paternel qui tressaille de joie
    Quand du fils qui revient le chien fidèle aboie!


    " Le grand arbre est tombé! resté seul au vallon,
    L'arbuste est désormais à nu sous l'aquilon.
    Quand l'aïeul disparaît du sein de la famille,
    Tout le groupe orphelin, mère, enfants, jeune fille,
    Se rallie inquiet autour du père seul
    Que ne dépasse plus le front blanc de l'aïeul.
    C'est son tour maintenant. Du soleil, de la pluie,
    On s'abrite à son ombre, à sa tige on s'appuie.
    C'est à lui de veiller, d'enseigner, de souffrir,
    De travailler pour tous, d'agir et de mourir!
    Voilà que va bientôt sur sa tête vieillie
    Descendre la sagesse austère et recueillie;
    Voilà que ses beaux ans s'envolent tour à tour,
    Emportant l'un sa joie et l'autre son amour,
    Ses songes de grandeur et de gloire ingénue,
    Et que pour travailler son âme reste nue,
    Laissant là l'espérance et les rêves dorés,
    Ainsi que la glaneuse, alors que dans les prés
    Elle marche, d'épis emplissant sa corbeille,
    Quitte son vêtement de fête de la veille!
    Mais le soir, la glaneuse aux branches d'un buisson
    Reprendra ses atours, et chantant sa chanson
    S'en reviendra parée, et belle, et consolée;
    Tandis que cette vie, âpre et morne vallée,
    N'a point de buisson vert où l'on retrouve un jour
    L'espoir, l'illusion, l'innocence et l'amour!


    " Il continuera donc sa tâche commencée,
    Tandis que sa famille autour de lui pressée,
    Sur son front, où des ans s'imprimera le cours,
    Verra tomber sans cesse et s'amasser toujours,
    Comme les feuilles d'arbre au vent de la tempête,
    Cette neige des jours qui blanchit notre tête!


    " Ainsi du vétéran par la guerre épargné,
    Rien ne reste à son fils, muet et résigné,
    Qu'un tombeau vide, et toi, la maison orpheline
    Qu'on voit blanche et carrée au bas de la colline,
    Gardant, comme un parfum dans le vase resté,
    Un air de bienvenue et d'hospitalité!


    " Un sépulcre à Paris! de pierre ou de porphyre,
    Qu'importe! Les tombeaux des aigles de l'empire
    Sont auprès. Ils sont là tous ces vieux généraux
    Morts un jour de victoire en antiques héros,
    Ou, regrettant peut-être et canons et mitraille,
    Tombés à la tribune, autre champ de bataille.
    Ses fils ont déposé sa cendre auprès des leurs,
    Afin qu'en l'autre monde, heureux pour les meilleurs,
    Il puisse converser avec ses frères d'armes.
    Car sans doute ces chefs, pleurés de tant de larmes,
    Ont là-bas une tente. Ils y viennent le soir
    Parler de guerre; au loin, dans l'ombre, ils peuvent voir
    Flotter de l'ennemi les enseignes rivales;
    Et l'empereur au fond passe par intervalles.


    " Une maison à Blois! riante, quoique en deuil,
    Élégante et petite, avec un lierre au seuil,
    Et qui fait soupirer le voyageur d'envie
    Comme un charmant asile à reposer sa vie,
    Tant sa neuve façade a de fraîches couleurs,
    Tant son front est caché dans l'herbe et dans les fleurs!


    " Maison! sépulcre! hélas, pour retrouver quelque ombre
    De ce père parti sur le navire sombre,
    Où faut-il que le fils aille égarer ses pas?
    Maison, tu ne l'as plus! tombeau, tu ne l'as pas! "












































































































































    Victor Hugo - Juin 1830

    automne001.jpg

     

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