• Sur le sable, l'empreinte de nos corps

     

    Arrêtons-nous et pleurons au souvenir de l'aimée.

    Maison près du banc de sable entre Dakhoul et Harmal,

     

    Toudiha et Migrat, les vents du Nord et du Midi

    Leur étoffe ont tissé mais n'ont point effacé sa trace.

     

    Mes compagnons près de moi ont arrêté leurs montures,

    Disant: "Maîtrise-toi et fuis cette affliction mortelle."

     

    Ma guérison, amis, c'est de laisser couler mes larmes;

    Mais doit-on s'affliger d'une trace effacée?

     

    N'as-tu pas courtisé Oumm-oul-Houwayreth avant elle,

    Et puis encore la belle Oumm-oul-Rabab à Ma'sal?

     

    Quand elles se levaient, des effluves de musc partout

    Se répandaient, parfum d'oeillet porté par le zéphyr.

     

    En les quittant, d'abondantes larmes avaient coulé

    Jusqu'à ma gorge et mon ceinturon en était mouillé.

     

    Oui, plus d'un jour parfait d'elles tu as pu obtenir,

    Et surtout, parmi ces jours, celui de Darah-Djouldjoul.

     

    Et cet autre ou j'ai tué mon cheval pour les pucelles,

    Quelle surprise de les voir toutes décamper sous leur charge!

     

    L'une à l'autre, les morceaux elles s'étaient arraché,

    La viande, puis la graisse aux bords frangés comme la soie.

     

    Je suis entré un jour dans le palanquin d'Onayza...

    "Malheur! Tu vas me forcer d'aller à pied, me dit-elle."

     

    Et entre-temps le palanquin ployait avec nous deux...

    Et puis: "Descends, Imrou'l-Quays, tu fatigues ma bête."

     

    Et moi de lui répondre: "Va, laisse filer sa longe;

    Ne m'éloigne pas, de grâce, de ton fruit qui distrait...

     

    J'ai visité des femmes comme toi, et même enceintes,

    Qui ont laissé leur nourrisson, entouré d'amulettes...

     

    S'il pleurait, de moitié se tournaient vers lui, et mon soc

    Les pourfendait tranquillement, sans être détourné."

     

    L'une un jour se refusa sur la colline de sable,

    S'obligea de rompre, par un serment indissoluble.


    Doucement! O Fatima, après ta coquetterie.

    Modère-toi, même si la rupture est décidée.

     

    Cela t'a-t-il séduite de voir ton amour me tuer,

    De constater que mon coeur t'obéit sans murmurer?

     

    Si quelque créature t'a poussée à ma haïr,

    Sépare nos habits: tu verras qu'unique en est la trame.

     

    Tes beaux yeux n'ont pleuré qu'afin de mieux lancer les traits

    Qui ont blessé à mort un coeur déchiré de douleur.

     

    Au coeur même d'une alcôve imperméable au désir,

    Avec ma belle à loisir j'ai savouré mon bonheur.

     

    J'avais passé à travers une troupe de gardiens

    Qui me guettaient, me préparant une mort infamante;

     

    Lorsque dans le ciel la Pléiade s'était déployée,

    Comme un assortiment de perles sur une ceinture,

     

    Je suis entré, alors qu'elle avait pour dormir ôté

    Près du rideau ses habits, sauf la tunique légère.

     

    "Non! Par Dieu! Ta ruse n'a pas de cours ici, dit-elle,

    Je vois que tes séductions sont loin de disparaître."

     

    Je l'emmène aussitôt, lui ouvrant le chemin, mais elle,

    Traînant un manteau d'homme à terre, effaçait nos deux traces.

     

    Lorsque nous eûmes traversé la place du village

    Et atteint le fond d'un vallon encerclé par les dunes,

     

    De mes mains sur ses tempes je l'incline, elle se ploie

    Sur moi, taille mince et jambe prospère, ornée d'anneaux.

     

    Svelte et blanche, elle n'offrait aucune ample solitude;

    Sa poitrine était lisse et polie ainsi qu'un miroir.

     

    Reflets de refus ou désirs sur un visage lisse,

    Oeil complaisant d'un fauve de Wadjrah sur son petit,

     

    Un cou aussi beau que celui de la gazelle blanche,

    Délicat, lorsqu'il se dresse, et sans aucun ornement;

     

    La chevelure abondante et très noire, ornant le dos.

    Riche ainsi qu'un rameau de palmier chargé de fruits;

     

    Et ses boucles rebelles se relèvent indomptées,

    Noyant les rubans dans un flot d'ondes enchevêtrées;

     

    Des flancs délicats, souples comme une corde tressée;

    La jambe, un cep soutenu dans une terre irriguée,

     

    Et des miettes de musc dessus sa couche éparpillées,

    Elle dort, le soleil haut, en tenue négligée.

     

    Elle prend, elle reçoit avec de tendres mains souples,

    Vrilles des vignes de Zabyi ou cure-dents d'Ishil;

     

    A l'entrée de la nuit, elle dissipe les ténèbres,

    Tel un feu, la nuit, d'un moine voué au célibat.

     

    L'homme doux s'éprend avec ardeur de femmes comme elle,

    Ayant ainsi grandi entre cuirasse et bouclier.

     

    Pucelle dont l'or jaune fait ressortir la blancheur,

    Qu'a fait fructifier une eau abondante et salutaire...

     


     

    Les insensés parmi les hommes se sont consolés

    De leur amour, mais le mien, mon coeur ne peut l'oublier.

     

    IMROU'L-QUAYS (environ 540)

     


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  • Adieu

     

    O Mayya! Tes lèvres par un orfèvre ciselées,

    Après le sommeil, et ton corps, tendre rameau brisé!

     

    Je revois les deux prunelles, un cou gracile et blanc;

    Je revois les flancs alanguis où affleure le sang,

     

    Uniques, tirant la poursuite, au mépris des gazelles...

    Nous tuant sans pitié, sous le blâme et la réprimande.

     

    Elle a vu ma pâleur, elle a vu mes rides multiples,

    Après les injures du temps et du siècle superbe,

     

    Dépouillant tout mon corps de sa frondaison de jeunesse;

    Feuilles mortes, quand on agite un rameau nu, qui tombent...

     

    Ou plutôt j'ai rompu l'étreinte, acceptant le refus,

    Et la soeur des Banou-Labîd en a été surprise.

     

    DHOU'L-ROUMMAH (117-735)


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