• La peine des enfants: "Los ovidados " de Jacques Prévert

     

    C’est après le grand succès du film « Los olvidados », réalisé au Mexique par le metteur en scène d’origine espagnole Luis Buñuel (1900-1983), que Jacques Prévert écrivit ce poème portant le même titre.

     

    Los olvidados

    petites plantes errantes

    des faubourgs de Mexico-City

    prématurément arrachées

    au ventre de leur mère

    au ventre de la terre

    et de la misère

    Los olvidados

    enfants trop tôt adolescents

    enfants oubliés

    relégués

    pas souhaités

    Los olvidados

    La vie n'a pas eu le temps de les caresser

    Alors ils en veulent à la vie

    et vivent avec elle à couteaux tirés

    Les couteaux

    que le monde adulte et manufacturé

    leur a très vite enfoncés

    dans un cœur

    qui fastueusement généreusement et

    heureusement

    battait

    Et ces couteaux

    ils les arrachent eux-mêmes de leur

    poitrine trop tôt glacée

    et ils frappent au hasard

    au petit malheur

    entre eux

    à tort et à travers

    pour se réchauffer un peu

    Et ils tombent

    publiquement

    en plein soleil

    mortellement frappés

    Los olvidados

    enfants aimants et mal aimés

    assassins adolescents

    assassinés

    Mais

     

    Au milieu de la fête foraine

     

    Un enfant épargné

    Sur un manège errant

    sourit un instant en tournant

    Et son sourire c'est le soleil

    qui se couche et se lève en même temps

     

    (Jacques Prévert, Spectacles, Gallimard, 1949)




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  • La chanson des enfants

     

    Paroles: Jacques Prévert.

    Musique: Joseph Kosma en 1946

    Note: Chanson du court métrage d'Eli Lotar "Aubervilliers".

     

    Gentils enfants d’Aubervilliers

    Vous plongez la tête la première

    Dans les eaux grasses de la misère

    Où flottent les vieux morceaux de liège

    Avec les pauvres vieux chats crevés

    Mais votre jeunesse vous protège

    Et vous êtes les privilégiés

    D'un monde hostile et sans pitié

    Le triste monde d’Aubervilliers

    Où sans cesse vos pères et mères

    Ont toujours travaillé

    Pour échapper à la misère

    A la misère d’Aubervilliers

    A la misère du monde entier

    Gentils enfants d’Aubervilliers

    Gentils enfants des prolétaires

    Gentils enfants de la misère

    Gentils enfants du monde entier

    Gentils enfants d’Aubervilliers

    C'est les vacances et c'est l'été

    Mais pour vous le bord de la mer

    La Côte d'Azur et le Grand Air

    C'est la poussière d’Aubervilliers

    Et vous jetez sur le pavé

    Les pauvres dés de la misère

    Et de l'enfance désœuvrée

    Et qui pourrait vous blâmer

    Gentils enfants d’Aubervilliers

    Gentils enfants des prolétaires

    Gentils enfants de la misère

    Gentils enfants d’Aubervilliers

     

    J.Prévert ("Spectacle" 1949)




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