• Victimes des crimes d'honneur

    Un poème dédié aux victimes de crime d’honneur.

    de Nazik Al-Malaïka , poétesse irakienne .

     

    Laver la honte !

     

    «Maman», et puis le râle, le sanglot, le noir.

    Le sang coule encore un peu, le corps poignardé frissonne encore un peu.

     

    Les cheveux bouclés s’enlisent dans la boue

    «Maman», mais ça, seul l’a entendu le bourreau.

    Demain c’est l’aube, et les roses au réveil,

    On entendra crier vingt jeunes années, et l’espoir enchanté.

     

    Alors dira la prairie, et diront les fleurs

    - Celle qui vous a quittés, vous a quittés pour que la honte soit lavée.

     

    Dans son village, reviendra le bourreau sauvage.

    «La honte?» dira-t-il et il essuiera son couteau.

     

    «La honte, nous l’avons déchirée en mille morceaux !

    Nous voici revenus, sans tache, le front haut, libre.

    Eh patron ! Un verre ! Du vin !

    Appelle-la putain, la langoureuse au souffle de parfum.

    Pour rançon de ses yeux, je donne le Coran, et Dieu sait quelles destinées!»

    - Remplis ton verre, bourreau.

    La honte, seule la victime peut l’effacer!

    L’aurore viendra. Les filles demanderont:

    «Où est-elle ?» La bête de sang répondra:

    «Nous l’avons tuée».

     

    Cette tâche, à nos fronts, nous l’avons lavée.

    Les voisines raconteront son histoire.

    Et aussi les palmiers du quartier.

    Pas une porte de bois n’oubliera,

    Les pierres répèteront:

    - Laver la honte,

    - Laver la honte,

    Ô voisines, filles du village,

    Nous ne pourrons pétrir le pain qu’avec nos larmes.

    Nous couperons nos tresses, écorcheront nos mains,

    Afin que reste pure et blanche la tunique virile.

    Ni sourire, ni fête, ni regard: le couteau nous guette

    Dans la main de nos pères, de nos frères.

    - Qui sait, quels déserts, demain,

    Pour laver la honte,

    Nous enseveliraient?

     

    Nazik Al-Malaïka


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  • "Afrique mon Afrique"

    Afrique

    A ma mère

    Afrique mon Afrique

    Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales

    Afrique que chante ma grand-mère

    Au bord de son fleuve lointain

    Je ne t`ai jamais connue

    Mais mon regard est plein de ton sang

    Ton beau sang noir à travers les champs répandu

    Le sang de ta sueur

    La sueur de ton travail

    Le travail de l'esclavage

    L`esclavage de tes enfants

    Afrique dis-moi Afrique

    Est-ce donc toi ce dos qui se courbe

    Et se couche sous le poids de l'humilité

    Ce dos tremblant à zébrures rouges

    Qui dit oui au fouet sur les routes de midi

    Alors gravement une voix me répondit

    Fils impétueux cet arbre robuste et jeune

    Cet arbre là-bas

    Splendidement seul au milieu des fleurs

    Blanches et fanées

    C`est L'Afrique ton Afrique qui repousse

    Qui repousse patiemment obstinément

    Et dont les fruits ont peu à peu

    L’amère saveur de la liberté.

     

    David Diop, coups de pilon

    Présence Afrique, 1956


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