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    Ô si chère de loin

     

    Ô si chère de loin et proche et blanche, si

    Délicieusement toi, Méry, que je songe

    À quelque baume rare émané par mensonge

    Sur aucun bouquetier de cristal obscurci.

     

    Le sais-tu, oui ! Pour moi voici des ans, voici

    Toujours que ton sourire éblouissant prolonge

    La même rose avec son bel été qui plonge

    Dans autrefois et puis dans le futur aussi.

     

    Mon cœur qui dans les nuits parfois cherche à s'entendre

    Ou de quel dernier mot t'appeler le plus tendre

    S'exalte en celui rien que chuchoté de sœur

     

    N'était, très grand trésor et tête si petite,

    Que tu m'enseignes bien toute une autre douceur

    Tout bas par le baiser seul dans tes cheveux dite.

     

    Stéphane MALLARME




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  • L’Azure

     

    De l'éternel Azure la sereine ironie

    Accable, belle indolemment comme les fleurs,

    Le poète impuissant qui maudit son génie

    A travers un désert stérile de Douleurs.

     

    Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde

    Avec l'intensité d'un remords atterrant,

    Mon âme vide, Où fuir? Et quelle nuit hagarde

    Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant?

     

    Brouillards, montez! Versez vos cendres monotones

    Avec de longs haillons de brume dans les cieux

    Qui noiera le marais livide des automnes

    Et bâtissez un grand plafond silencieux!

     

    Et toi, sors de étangs léthéens et ramasse

    En t'en venant la vase et les pâles roseaux,

    Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse

    Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.

     

    Encor! Que sans répit les tristes cheminées

    Fument, et que de suie une errante prison

    Eteigne dans l'horreur de ses noires traînées

    Le soleil se mourant jaunâtre a l'horizon!

     

    - Le Ciel est mort. -Vers toi, j'accours! Donne, ô matière,

    L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché

    A ce martyr qui vient partager la litière

    Ou le bétail heureux des hommes est couché,

     

    Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée

    Comme le pot de fard gisant au pied du mur,

    N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée,

    Lugubrement bâiller vers un trépas obscur. . .

     

    En vain! L’Azur triomphe, et je l'entends qui chante

    Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus

    Nous faire peur avec sa victoire méchante,

    Et du métal vivant sort en bleus angélus!

     

    Il roule par la brume, ancien et traverse

    Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr;

    Ou fuir dans la révolte inutile et perverse?

    Je suis hanté. L'Azur! L’Azur! L’Azur! L’Azur."


    Stéphane MALLARME




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