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    Bonne pensée du matin

     

    Sommeil d'amour dure encore.

    Sous les bosquets, l'aube évapore

              L'odeur du soir fêté.

     

    Mais là-bas dans l'immense chantier

    Vers le soleil des Hespérides,

    En bras de chemise, les charpentiers

              Déjà s'agitent.

     

    Dans leur désert de mousse, tranquilles,

    Ils préparent les lambris précieux

    Où la richesse de la ville

              Rira sous de faux cieux.

     

    Ah ! Pour ces Ouvriers charmants

    Sujets d'un roi de Babylone,

    Vénus ! Laisse un peu les Amants

              Dont l'âme est en couronne

     

              Ô Reine des Bergers !

    Porte aux travailleurs l'eau-de-vie.

    Pour que leurs forces soient en paix

    En attendant le bain dans la mer, à midi.

     

    Rimbaud

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    Fragments de Narcisse

    Recueil, Charmes— Paul Valéry

    Que tu brilles enfin, terme pur de ma course !

     

    Ce soir, comme d’un cerf, la fuite vers la source

    Ne cesse qu’il ne tombe au milieu des roseaux,

    Ma soif me vient abattre au bord même des eaux.

    Mais, pour désaltérer cette amour curieuse,

    Je ne troublerai pas l’onde mystérieuse :

    Nymphes ! si vous m’aimez, il faut toujours dormir !

    La moindre âme dans l’air vous fait toutes frémir ;

    Même, dans sa faiblesse, aux ombres échappée,

    Si la feuille éperdue effleure la napée,

    Elle suffit à rompre un univers dormant...

    Votre sommeil importe à mon enchantement,

    Il craint jusqu’au frisson d’une plume qui plonge !

    Gardez-moi longuement ce visage pour songe

    Qu’une absence divine est seule à concevoir !

    Sommeil des nymphes, ciel, ne cessez de me voir !

     

    Rêvez, rêvez de moi !... Sans vous, belles fontaines,

    Ma beauté, ma douleur, me seraient incertaines.

    Je chercherais en vain ce que j’ai de plus cher,

    Sa tendresse confuse étonnerait ma chair,

    Et mes tristes regards, ignorants de mes charmes,

    À d’autres que moi-même. adresseraient leurs larmes...

     

    Vous attendiez, peut-être, un visage sans pleurs,

    Vous calmes, vous toujours de feuilles et de fleurs,

    Et de l’incorruptible altitude hantées,

    Ô Nymphes !... Mais docile aux pentes enchantées

    Qui me firent vers vous d’invincibles chemins,

    Souffrez ce beau reflet des désordres humains !

     

    Heureux vos corps fondus, Eaux planes et profondes !

    Je suis seul !... Si les Dieux les échos et les ondes

    Et si tant de soupirs permettent qu’on le soit !

    Seul !... mais encor celui qui s’approche de soi

    Quand il s’approche aux bords que bénit ce feuillage...

    Des cimes, l’air déjà cesse le pur pillage ;

    La voix des sources change, et me parle du soir ;

    Un grand calme m’écoute, où j’écoute l’espoir.

    J’entends l’herbe des nuits croître dans l’ombre sainte,

    Et la lune perfide élève son miroir

    Jusque dans les secrets de la fontaine éteinte...

    Jusque dans les secrets que je crains de savoir,

    Jusque dans le repli de l’amour de soi-même,

    Rien ne peut échapper au silence du soir...

    La nuit vient sur ma chair lui souffler que je l’aime.

    Sa voix fraîche à mes vœux tremble de consentir ;

    À peine, dans la brise, elle semble mentir,

    Tant le frémissement de son temple tacite

    Conspire au spacieux silence d’un tel site.

     

    Ô douceur de survivre à la force du jour,

    Quand elle se retire enfin rose d’amour,

    Encore un peu brûlante, et lasse, mais comblée,

    Et de tant de trésors tendrement accablée

    Par de tels souvenirs qu’ils empourprent sa mort,

    Et qu’ils la font heureuse agenouiller dans l’or,

    Puis s’étendre, se fondre, et perdre sa vendange,

    Et s’éteindre en un songe en qui le soir se change.

    Quelle perte en soi-même offre un si calme lieu !

    L’âme, jusqu’à périr, s’y penche pour un Dieu

    Qu’elle demande à l’onde, onde déserte, et digne

    Sur son lustre, du lisse effacement d’un cygne ...

    À cette onde jamais ne burent les troupeaux !

    D’autres, ici perdus, trouveraient le repos,

    Et dans la sombre terre, un clair tombeau qui s’ouvre...

    Mais ce n’est pas le calme, hélas ! que j’y découvre !

    Quand l’opaque délice où dort cette clarté,

    Cède à mon corps l’horreur du feuillage écarté,

    Alors, vainqueur de l’ombre, ô mon corps tyrannique,

    Repoussant aux forêts leur épaisseur panique,

    Tu regrettes bientôt leur éternelle nuit !

    Pour l’inquiet Narcisse, il n’est ici qu’ennui !

    Tout m’appelle et m’enchaîne à la chair lumineuse

    Que m’oppose des eaux la paix vertigineuse !

     

    Que je déplore ton éclat fatal et pur,

    Si mollement de moi, fontaine environnée,

    Où puisèrent mes yeux dans un mortel azur,

    Les yeux mêmes et noirs de leur âme étonnée !

     

    Profondeur, profondeur, songes qui me voyez,

    Comme ils verraient une autre vie,

    Dites, ne suis-je pas celui que vous croyez,

    Votre corps vous fait-il envie ?

     

    Cessez, sombres esprits, cet ouvrage anxieux

    Qui se fait dans l'âme qui veille ;

    Ne cherchez pas en vous, n’allez surprendre aux cieux

    Le malheur d’être une merveille :

    Trouvez dans la fontaine un corps délicieux...


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