• Ma libellule

     

    En te voyant toute mignonne,

    Blanche dans ta robe d'azur,

    Je pensais à quelque madone

    Drapée en un pan de ciel pur ;

     

    Je songeais à ces belles saintes

    Que l'on voyait, du temps jadis,

    Sourire sur les vitres peintes,

    Montrant du doigt le paradis ;

     

    Et j'aurais voulu, loin du monde

    Qui passait frivole entre nous,

    Dans quelque retraite profonde,

    T'adorer seul à deux genoux...

     

    Soudain, un caprice bizarre

    Change la scène et le décor,

    Et mon esprit au loin s'égare

    Sur de grands prés d'azur et d'or,

     

    Où, près de ruisseaux minuscules,

    Gazouillants comme des oiseaux,

    Se poursuivent les libellules,

    Ces fleurs vivantes des roseaux.

     

    - Enfant, n'es-tu pas l'une d'elles

    Qui me suit pour me consoler ?

    Vainement tu caches tes ailes :

    Tu marches, mais tu sais voler.

     

    Petite fée au bleu corsage,

    Que je connus dès mon berceau,

    En revoyant ton doux visage,

    Je pense aux joncs de mon ruisseau !

     

    Veux-tu qu'en amoureux fidèles

    Nous retournions dans ces prés verts ?

    Libellule, reprends tes ailes,

    Moi, je brûlerai tous mes vers ;

     

    Et nous irons, sous la lumière

    D'un ciel plus frais et plus léger,

    Chacun dans sa forme première,

    Moi courir, et toi voltiger.

     

    François FABIÉ (1846-1928)


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  • Créations de cette image est de Trucs Elemiah

    À M. V.H.

    Sonnet


    Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,

    Pour savoir, après tout, ce qu'on aime le mieux,

    Les bonbons, l'Océan, le jeu, l'azur des cieux,

    Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.

     

    Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;

    Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d'adieux.

    Puis le cœur s'aperçoit qu'il est devenu vieux,

    Et l'effet qui s'en va nous découvre les causes.

     

    De ces biens passagers que l'on goûte à demi,

    Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.

    On se brouille, on se fuit. - Qu'un hasard nous rassemble,

     

    On s'approche, on sourit, la main touche la main,

    Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,

    Que l'âme est immortelle, et qu'hier c'est demain.

     

    26 avril 1843.

    Alfred de MUSSET


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