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Par fathianasr le 26 Juin 2009 à 22:06
PAYSAGES TRISTES
A Catulle Mendès.
I
SOLEILS COUCHANTS
Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon coeur qui s'oublie
Aux soleils couchants.
Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
A des grands soleils
Couchants, sur les grèves.
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Par fathianasr le 26 Juin 2009 à 21:39
Les poèmes Saturniens en référence à Saturne, planète de la mélancolie : constituent le premier recueil de poèmes du Prince des Poètes Paul Verlaine encore sous l’influence des Parnassiens (certains poèmes sont publiés dans le Parnasse contemporain du 28 avril 1866), mais aussi de Baudelaire, de Gautier et de Banville. Mais déjà la voix de Paul Verlaine s’y fait entendre ; sa vie est déjà perturbée par l’alcoolisme et il vient de perdre son père (1865).
On trouve exprimée dans les Poèmes Saturniens une sorte d’inquiétude diffuse ou exacerbée:VII
(« Oh je souffre, je souffre affreusement »
Paul Verlaine exprime d’ailleurs lui-même le sens qu’il donne au titre de son recueil :
« Or ceux-là qui sont nés sous le signe Saturne […]
Ont entre tous, d’après les grimoires anciens,
Bonne part de malheur et bonne part de bile.
L’imagination, inquiète et débile,
Vient rendre nul en eux l’effort de la Raison ».
(Les sages d’autrefois)
Poèmes saturniens qui se composent d’un prologue. suivi de quatre ensembles de cinq à huit poèmes chacun (Melancholia, Eaux-fortes, Paysages tristes et Caprices), puis de douze pièces isolées, et enfin d’un épilogue. Il n’y a pas de parenté strophique ou métrique d’un poème à l’autre, y compris à l’intérieur d'un même ensemble. Ce recueil est traditionnellement désigné comme parnassien, tant par la critique que par le poète lui-même. Toutefois, à maintes reprises les particularités stylistiques de Verlaine, qu’il codifiera ultérieurement dans son « Art poétique » (Jadis et Naguère, 1884), viennent mettre en cause cette filiation trop voyante : rejets et contre-rejets, accélération du rythme, ironie en sont autant de traits.
Une mise en scène de la douleur
À travers ce recueil, le poète, qui se place sous le signe de Saturne, exhibe son malheur en créant dans ses pièces une atmosphère mélancolique :
Les CAPRICES
II
JÉSUITISME
A Henry Winter.
Le chagrin qui me tue est ironique, et joint
Le sarcasme au supplice, et ne torture point
Franchement, mais picote avec un faux sourire
Et transforme en spectacle amusant mon martyre…
Par-delà les motifs propres à chaque ensemble, on relève la récurrence de la peinture de l’amour malheureux, de la mélancolie et de la solitude. Melancholia, qui comprend le très célèbre poème :
VI
MON RÊVE FAMILIER
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
« Mon rêve familier » est ainsi consacré à l’amour enfui ou impossible, à ses souffrances, à ses mensonges. Les Paysages tristes, quant à eux, sont des rêveries poétiques autour de la lumière du couchant, dont l’ambiance crépusculaire est l’image de la souffrance et de la solitude :
CHANSON D'AUTOMNE
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure;
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Dans les Caprices, enfin, sont croquées des figures de femmes empreintes de duplicité, affichant tour à tour la fausseté féline (« Femme et chatte »), la froideur (« Une grande dame ») ou la prétendue ingénuité (« la Chanson des ingénues »).
Picturalité
Dans ces Poèmes saturniens, Verlaine se réfère assez largement à la peinture. Les pièces regroupées sous le vocable pictural d’Eaux-fortes en particulier sont à comprendre comme une série de tableaux illustrant chacun un type de représentation graphique (« Croquis parisien », « Marine», « Grotesques.»). D’une manière plus générale, son art poétique repose ici essentiellement sur l’évocation picturale d’un paysage, d’un personnage ou d’une scène :
Les couleurs vives qui animent «L'heure du Berger» L’illustrent nettement :
La lune est rouge au brumeux horizon;
Dans un brouillard qui danse, la prairie...
Ou les gris et noirs qui composent « Effet de Nuit »:
La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette
De flèches et de tours à jour la silhouette
D'une ville gothique éteinte au lointain gris.
La plaine. Un gibet plein de pendus rabougris
Enfin dans « Nuit du Walpurgis classique », le poète clôt avec humour la description du décor de la scène de sabbat par ce commentaire :
S'entrelacent soudain des formes toutes blanches,
Diaphanes, et que le clair de lune fait
Opalines parmi l'ombre verte des branches,
—Un Watteau rêvé par Raffet!—
Dans un esprit certes bien différent de celui des légères Fêtes galantes (1869), le poète inaugure ainsi ici une des techniques fondatrices de son œuvre à venir.
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