• EAUX-FORTES

    III

    MARINE

     

    L'Océan sonore

    Palpite sous l'oeil

    De la lune en deuil

    Et palpite encore,

     

    Tandis qu'un éclair

    Brutal et sinistre

    Fend le ciel de bistre

    D'un long zigzag clair,

     

    Et que chaque lame,

    En bonds convulsifs,

    Le long des récifs,

    Va, vient, luit et clame,

     

    Et qu'au firmament,

    Où l'ouragan erre,

    Rugit le tonnerre

    Formidablement.

     

    Paul Verlaine


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  • La mort, le glaive et le sablier à la ceinture

    EAUX-FORTES

    II

    CAUCHEMAR

     

    J'ai vu passer dans mon rêve

    —Tel l'ouragan sur la grève,

    D'une main tenant un glaive

    Et de l'autre un sablier,

    Ce cavalier

     

    Des ballades d'Allemagne

    Qu'à travers ville et campagne,

    Et du fleuve à la montagne,

    Et des forêts au vallon,

    Un étalon

     

    Rouge-flamme et noir d'ébène,

    Sans bride, ni mors, ni rène,

    Ni hop! ni cravache, entraîne

    Parmi des râlements sourds

    Toujours! toujours!

     

    Un grand feutre à longue plume

    Ombrait son oeil qui s'allume

    Et s'éteint. Tel, dans la brume,

    Éclate et meurt l'éclair bleu

    D'une arme à feu.

     

    Comme l'aile d'une orfraie

    Qu'un subit orage effraie,

    Par l'air que la neige raie,

    Son manteau se soulevant

    Claquait au vent,

     

    Et montrait d'un air de gloire

    Un torse d'ombre et d'ivoire,

    Tandis que dans la nuit noire

    Luisaient en des cris stridents

    Trente-deux dents.

     

    Paul Verlaine


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