• Le livre des processions / Khalil Gibran

    Ce livre est publié en 1919, Gibran ose une superbe forme poétique, en arabe. En vingt épisodes d’une musicalité prenante, le poète nous entraîne vers le berceau de la vie, la forêt, un espace entre ombre et lumières, où il chante l’amour et la grandeur de l’homme.


    Chant premier


    Pour les hommes,

    Faire le bien sous la contrainte est contrefaçon,

    Et le mal d’homme, même enterré,

    Jamais ne s’éteint.

     

    Menés par les doigts du destin,

    La plupart sont instruments

    Qui un jour,

    Se brisent.

     

    Et surtout ne dis pas :

    « Tel est un savant éminent ».

    Ne dis pas :

    « Voilà un maître vénérable ».

     

    Les meilleurs sont troupeaux

    Qu’entraîne la voix des bergers,

    Et celui qui ne marche pas,

    S’efface.


    Dans les forêts

    Pas de berger,

    Dans les forêts,

    Pas de troupeaux,

     

    L’hiver avance

    Que nul printemps n’accompagne.

     

    Les hommes naissent esclaves

    De qui refuse de plier genou,

     

    Donne-moi le nay, et chante ?

    Le chant garde l’esprit,

     

    Et la plainte du nay survit

    Au glorieux et au misérable.


    Explications du mot Nay : Flûte rustique arabe

     



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  • O Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

    O Dieu, qu’est-ce que l’homme ?...

    Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

    Rien que chair et sang.

    Ses jours - l’ombre passant,

    L’errance, qu’il ignore...

    Soudain son heure vient : il se couche et s’endort.


    Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

      Glaise sale et foulée,

    Infestée d’immondice,

    De tromperie, de vice,

    Bouton de fleur fané,

    Flétri sous le soleil !

    Si tu lui rappelais

    Ses fautes enfouies,

    Ta colère et Ton ire

    Les pourrait-il souffrir ?

    Aussi grâce et pitié, car il n’est pas si fort...

    Soudain son heure vient : il se couche et s’endort.

    ***

     Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

      Baignant dedans sa boue,

    Un menteur qui se loue,

    De vanité un fou !

    Le pur d’impur sort-il

    Ou le précieux du vil ?

    Si tu lui rappelais

    Ses penchants si mauvais,

    Il se dessécherait

    Tel un brin d’herbe folle...

    Aussi grâce et pitié à l’instant de sa mort !

     

    ***

     

    Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

    Incorrigible orgueil,

    Buvant les eaux du deuil,

    Mâchant un méchant pain,

    Un océan sans frein,

    Un four de chaleur brute !

    Si tu lui rappelais

    De son péché le rut,

    Il serait terrassé,

    Face au fort - harassé !

    Aussi grâce et pitié, pardonne-lui encore...

    Soudain son heure vient : il se couche et s’endort.

    ***

    Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

     Rien que de la souillure,

    Forfaiture farouche,

    Calomnies à la bouche...

    Si tu lui rappelais

    Ses méfaits, son cloaque,

    Il ne serait que loques,

    Partirait en fumée...

    Aussi grâce et pardon,

    Pitié, absolution !

    Mannequin de limon dont poussière est le corps...

    Soudain son heure vient : il se couche et s’endort.

     ***

     Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

    Oui, un arbre mité,

    Et lorsque vient la mort,

    Un fétu éclaté !

    Ses joies de pleurs il baigne

    Quand il pourrit de teigne...

    Si tu lui rappelais

    De ses péchés la masse,

    Il deviendrait limace,

    De la cire fondue !

    Aussi grâce et pitié, clémence pour ses torts !

    Soudain son heure vient : il se couche et s’endort.

     ***

    Ô Dieu, qu’est-ce que l’homme ?

    La feuille au vent qui vole,

    Un poids sur la balance

    Pesant l'insignifiance,

    Volière à mensonge

    Comme en cage mésanges...

    Pourrais-tu donc penser

    À sévir contre lui,

    Fumée qui s’évanouit,

    Bois vermoulu, moisi ?

    Gracie-les à ton aune, et non pas à la leur !

    Soudain son heure vient : il se couche et s’endort.

     

    Poème liturgique de Salomon Ibn Gabirol (1020-1057),

    Le plus grand poète hébreux andalou

     


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